Les fruitiers rares
 
Articles généraux      Espèces      Groupes      Pépinières      Non-French items

 


Accueil > Espèces > Kaki > Manger le kaki blet à la petite cuillère ? Une idée reçue...

 

Article publié en 2014.
Auteur : François DROUET.
Photographies : François DROUET.

Tous droits réservés.

 

 

Manger le kaki blet à la petite cuillère ?

 

Une idée reçue...

 

 

 

Comment manger un kaki blet ? Nous parlons d'un kaki astringent qui a atteint sa maturité physiologique en perdant son astringence initiale, après avoir bletti sur l'arbre ou dans un local de conservation. Question banale a priori. La réponse est connue de tous. C'est la réponse universelle des revues, forums, sites Internet... Et même des praticiens chevronnés du Plaqueminier du Japon (Diospyros kaki Thunb.) pour lesquels les fruits de celui-ci n'ont (presque) plus de secrets. La voici.
 

Diospyros kaki : la pulpe du kaki blet peut se manger à la petite cuillère

Diospyros kaki : la pulpe du kaki blet peut se manger à la petite cuillère.
 

Idée reçue...  Pour ma part, j'ai une autre réponse. La voici.
 

Diospyros kaki : le kaki blet peut se manger avec une fourchette

Diospyros kaki : le kaki blet peut se manger avec une fourchette.
(une fois découpé en morceaux).

 

Regardons de plus près. Contrairement à la croyance générale, la pulpe d'un kaki blet à point ne coule pas, comme en témoigne la photographie ci-dessous.
 

 Diospyros kaki  : quartiers de fruit blet (la pulpe d'un kaki blet à point ne coule pas)

Diospyros kaki  : quartiers de fruit blet (la pulpe d'un kaki blet à point ne coule pas).
 

Pourtant, la pulpe du kaki blet n'est pas croquante, ni même ferme. Elle est molle. Mais elle est compacte, c'est à dire non liquide. Une pulpe qui coule est le signe que le kaki a débuté son évolution vers la surmaturité. Rappelons l'évolution d'un kaki blet.
 

Diospyros kaki : kaki blet

Diospyros kaki : kaki ble.t
(quelle que soit la variété, un kaki blet à point tient seul sur l'apex).

 

Pendant deux à trois jours le kaki passe de l'état "blet à point" à l'état "blet avancé" en restant consommable. Sa pulpe se liquéfie légèrement et devient nettement moins compacte. Sa peau peut présenter quelques microfissures de surface dues à la tension de la pulpe qui s'est ramollie et a pris du volume, mais il est exempt de fissures suintant de pulpe. Pendant cette phase, la peau des fruits de certaines variétés (Rojo Brillante, Tomatero...) vire au rouge.

Puis le kaki entame son évolution vers la surmaturité, stade auquel il n'est plus consommable. A ce stade, la pulpe s'est liquéfiée de façon significative. La couleur orange ou rouge de la peau s'est bien assombrie. Si on l'a posé sur un plat, le fruit s'est déstructuré et s'est effondré sur lui-même. Sa peau est plissée par endroits. Il présente des fissures par lesquelles s'échappe de la pulpe. Sur l'arbre, le kaki arrivé à surmaturité chute au sol en éclatant.

Pour pouvoir manger aisément un kaki avec une fourchette et un couteau, il faut le choisir blet à point. Pour déguster un kaki blet, la première étape consiste à enlever le calice séché (ce sont les sépales de la fleur) et le bout de pédoncule. Ne pas tirer brutalement le pédoncule sous peine de déchirer, voire de faire éclater, le sommet du kaki. Distendre la peau sous le calice en tirant doucement le pédoncule vers le haut. Avec l'autre main, couper délicatement au couteau la peau distendue. Progresser doucement en faisant un cercle sous le calice avec la pointe du couteau.
 

Diospyros kaki : le calice du kaki blet a été enlevé au couteau

Diospyros kaki : le calice du kaki blet a été enlevé au couteau.
(la pulpe apparaît dans le trou laissé par le calice).

 

La deuxième étape consiste à couper le kaki en deux dans le sens de la longueur.
 

Diospyros kaki : kaki blet coupé en deux, après enlèvement du calice.

Diospyros kaki : kaki blet coupé en deux, après enlèvement du calice.
 

Il faut ensuite couper chaque moitié en deux, ce qui donne quatre quartiers.
 

  Diospyros kaki : kaki blet découpé en quartiers

Diospyros kaki : kaki blet découpé en quartiers.
 

Il faut enfin couper chaque quartier dans le sens de la largeur en deux à quatre morceaux selon la taille du kaki. On obtient alors des petits morceaux de kaki facilement manipulables.
 

Diospyros kaki : kaki blet découpé en morceaux

Diospyros kaki : kaki blet découpé en morceaux.
 

Si l'on souhaite pousser plus loin le raffinement de la dégustation, on peut supprimer la partie de la columelle (petite colonne jaunâtre au centre du fruit, qui est insipide) située au haut du quartier avant de découper celui-ci. L'opération est aisée si l'on tranche horizontalement le haut du quartier tout en assurant la stabilité avec la fourchette (la columelle se détache facilement). Pour faciliter l'appropriation du kaki par des personnes qui n'en ont pas l'habitude, a fortiori qui en ont une image négative, on peut présenter au dessert un kaki blet déjà découpé. Voici une suggestion de présentation, sachant que, pour mettre en valeur la beauté du fruit, on ne manquera de placer sur la table un plat avec quelques kakis entiers.
 

Diospyros kaki : kaki blet découpé en morceaux

Diospyros kaki : suggestion de présentation d'un kaki blet au dessert.
 

Pourquoi ne pas s'en tenir aux quartiers entiers et mordre à pleines dents ceux-ci pour manger son kaki blet ? Parce que si la pulpe n'est pas assez dense, cela conduit inévitablement à avoir les doigts enduits de pulpe délitée. Une pulpe qui n'est plus assez compacte pour être piquée avec la fourchette peut l'être assez pour tenir sur le creux de la fourchette, comme c'est le cas pour de la purée. On peut s'aider du couteau pour l'y amener. Peut-on manger la pulpe sans la peau, tout autant comestible mais de texture grossière, si l'on utilise la fourchette ?

La réponse est oui, mais on ne pèle pas un kaki blet comme on pèle une pomme. Il convient d'opérer comme pour une pastèque ou un melon. Lorsque l'on a découpé le kaki en quartiers, on désolidarise la pulpe de la peau en maintenant le quartier avec la fourchette et en faisant glisser au-dessous la lame du couteau horizontalement au ras de la peau. On laisse ensuite la pulpe du quartier sur la peau et on peut la découper dans le sens de la largeur en autant de morceaux que souhaité selon la taille du kaki. Pour conforter l'intérêt de manger le kaki blet avec une fourchette et un couteau, revenons à la façon universellement conseillée pour la dégustation du kaki blet : la petite cuillère.
 

Diospyros kaki : fruit blet dégusté à la petite cuillère

Diospyros kaki : kaki blet dégusté à la petite cuillère.
 

La peau est laissée de côté. Bien que comestible tout autant que la pulpe, elle est de texture grossière. Manger un kaki blet à la petite cuillère présente, selon moi, deux inconvénients. Un inconvénient pratique et un inconvénient culturel. Inconvénient pratique : il n'est pas facile de râcler la pulpe sans déplacer la moitié de kaki. Cette méthode délitant la pulpe que l'on râcle, la moitié de kaki entamée glisse sur la pulpe répandue sur l'assiette et l'on est tenté de la bloquer avec le doigt. Et surtout, finir son kaki en essayant de récupérer la pulpe délitée sur l'assiette avec la seule petite cuillère est un exercice difficile. Partir de quartiers de kaki aggrave les difficultés.
 

Diospyros kaki : quartiers de kaki blet dégustés à la petite cuillère

Diospyros kaki : quartiers de kaki blet dégustés à la petite cuillère.
 

Inconvénient culturel : mettre une petite cuillère à disposition de l'invité pour manger son kaki renforce l'idée fausse que la pulpe de celui-ci est forcément liquide à maturité et que ce fruit déroge obligatoirement au mode de consommation habituel de la plupart des fruits connus en France. Or, nombreux sont les amateurs de fruits qui ne connaissent pas le kaki et qui hésitent à en acheter en raison d'une mauvaise image.

En effet, un des principaux freins à la commercialisation de ce fruit merveilleux est le fait qu'il soit réputé consommable seulement avec une pulpe liquéfiée, ce qui renvoie au fantasme du fruit pourri... Et à un mode de consommation difficile qui requiert l'usage d'une petite cuillère, donc à éviter, surtout si l'on a des invités. Si l'on apprenait à manger les kakis blets avec fourchette et couteau, au lieu de préconiser la petite cuillère, gageons que leur consommation augmenterait significativement.

Le succès commercial rencontré par les Persimon et Sharon, kakis vendus fermes après que l'astringence a été ôtée par un traitement post-récolte au dioxyde de carbone, est un argument qui conforte cette réflexion. Or, même si ces produits ont une bonne valeur gustative, le goût et la texture d'un kaki blet sont différents et constituent un plaisir qu'ils ne remplacent pas. Une dernière réflexion : je concède volontiers que manger les kakis blets à la petite cuillère constitue pour certaines personnes une partie du plaisir de la dégustation. Je dirais simplement que celles-là n'ont pas vraiment de raisons de passer à la fourchette et au couteau...

Petite cuillère ou fourchette et couteau, la question ne se pose pas lorsque l'on mange un kaki après l'avoir cueilli blet sur l'arbre. Par expérience, je sais que les personnes qui n'ont pas l'habitude des kakis se trouvent décontenancées lorsqu'elles veulent en manger un au pied de l'arbre. A leur intention, je fournis ma façon de procéder. Le kaki se récolte avec le pédoncule si l'on veut le stocker (au sécateur, ou à la main si l'on possède la technique idoine pour éviter de casser ou de déchirer le rameau sur lequel est attaché le kaki car le pédoncule tient plus fortement au rameau qu'au fruit). Je cueille aussi le kaki avec le pédoncule lorsque je le consomme au pied de l'arbre. Pour moi, laisser des calices pendre sur l'arbre au bout des pédoncules constitue un spectacle inesthétique, une sorte d'aveu de récolte bâclée.

Le fruit cueilli, il me faut donc tout d'abord enlever le calice séché. Afin d'éviter de faire éclater la partie supérieure du fruit, je prends garde à ne pas tirer le bout de pédoncule brutalement vers le haut. Je tire légèrement en faisant pivoter délicatement le poignet dans les deux sens. Puis, je prends le kaki à deux mains du bout des doigts, le trou laissé par le calice vers le haut, et je le brise en deux dans le sens de la longueur en faisant pivoter les deux poignets vers l'extérieur, et en écartant doucement. J'obtiens deux moitiés grossièrement débitées. Je mange chacune d'entre elles comme on le fait pour une tartine, en la tenant horizontalement. Si l'on veut éviter de manger la peau, il faut aspirer la pulpe au lieu de mordre.

Si la pulpe est trop liquide (ce que j'évite dans la mesure du possible en cueillant un kaki blet à point), au lieu de briser le kaki en deux dans le sens de la longueur, je le gobe en le pressant, après avoir agrandi d'un coup de dent le trou laissé par le calice.  Mais, attention, même bien mou, un kaki blet a toujours la pulpe assez dense pour que l'on puisse le briser en deux à la main... Un kaki qui éclaterait lorsqu'on le brise en deux à la main est à l'état de surmaturité (sauf exceptions variétales).

Une précision pour terminer : si le kaki présente des taches noires circulaires sur l'épiderme, c'est qu'il a été piqué par la mouche méditerranéenne des fruits (cératite ; Ceratitis capitata Wiedemann). Au-dessous de chacune des taches noires, se trouve une petite gangue indurée en forme de ballon de rugby de couleur brune ou noirâtre, qui contient de minuscules larves. J'évite pour ma part de consommer ces gangues, et je les élimine simplement une à une en les extirpant entre le pouce et l'index avec une portion de pulpe saine (ou à l'aide du sécateur, en prenant soin de couper largement dans la pulpe saine autour de la gangue).

 

 

Retour début article Début article   Retour début article Articles Kaki