Les fruitiers rares
 
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Article publié en 2010.
Auteur : Jean-Claude TISSAUX.
Tous droits réservés.

 

 

Un figuier sur le plateau de Langres ?

 

 

 

Originaire du Var, j'exerce ma profession dans une des régions les plus froides de France, à proximité de Langres. J'essaie de concilier ma passion du Figuier, héritée de mon enfance dans le Var, avec la rudesse du climat de ma région d'affectation professionnelle, en tentant d'y acclimater quelques variétés réputées résistantes au froid. J'en suis encore au début de mes expériences, mais je peux vous livrer quelques observations de rusticité dont je dispose déjà.

 

LA FIGUE DE LANGRES

Je commence par une découverte qui tourne à l'énigme. J'ai en effet repéré sur le plateau de Langres un spécimen de figuier d'une résistance au froid remarquable, qui y fructifie de façon régulière. L'arbre est âgé de plusieurs dizaines d'années et est constitué de trois gros troncs formant une cépée en haute tige. Il s'agit d'une variété unifère très précoce. Il produit des fruits de couleur jaune verdâtre, à chair rouge, de petit calibre (35 grammes) mais sucrés et de bonne valeur gustative à complète maturité.

Ce figuier a résisté à la vague de froid exceptionnelle de 1986 qui a fait chuter la température à -23 °C à l'endroit où il se trouve. Il avait alors une quinzaine d'années. J'ai multiplié par bouture le spécimen précité, et j'ai eu confirmation de la rusticité de la variété. Le plant multiplié (alors âgé de 5 ans) a résisté au cours de l'hiver 2009-2010 à une pointe de -20,6 °C au sein d'une période d'une douzaine d'heures de froid intense, sans que la température ne redevienne positive la journée suivante.

L'intérêt d'un tel figuier m'a amené à en proposer des boutures à un groupe de passionnés de figuiers. Ceux-ci ont multiplié la variété et l'ont diffusée en divers endroits froids d'Europe, avec pour nom 'Figue de Langres'. J'en ai moi-même fourni un plant sous ce nom à Bo Blomqvist, qui effectue depuis 2004 des essais de culture de figuiers en Suède (voir article). Mais j'ai continué à m'interroger sur l'origine de ce figuier et je l'ai observé minutieusement.

Un doute s'est alors installé... En effet, je possède un verger sur le littoral méditerranéen où je cultive quelques figuiers, parmi lesquels la variété 'Bécane'. Et, d'après mes observations de cette variété lors de mes congés, le spécimen de Langres pourrait appartenir à celle-ci. La variété 'Bécane' est réputée rustique, et est considérée comme la variété unifère française la plus précoce (ses fruits arrivent à maturité régulièrement trois à quatre jours avant ceux des variétés 'Ronde de Bordeaux' et 'Pastilière'). Le pied-mère se trouve au Conservatoire National  Botanique de Porquerolles, et la variété ne figure que dans les collections des pépinières françaises spécialisées dans le Figuier, ainsi que dans les collections de quelques amateurs de figuiers rares.

Difficile de croire que cette variété si peu connue a été plantée sur le plateau de Langres... Soucieux de rigueur botanique, des questions m'assaillent. Ai-je vraiment la variété 'Bécane' dans mon verger varois ? Mes observations sont-elles complètes pour les deux variétés ? Pour vérifier définitivement l'identité de la variété du spécimen du plateau de Langres, j'ai décidé d'initier une étude comparative entre celle-ci et un plant de la variété 'Bécane' multiplié à partir du pied-mère détenu à Porquerolles.

J'ai demandé à un pépiniériste varois en contact avec le conservatoire de Porquerolles de réaliser cette multiplication, et j'ai cherché un partenaire pouvant prendre en charge l'étude en champ dans une région plus clémente que la mienne, où l'on serait sûr que la variété 'Bécane' n'aurait pas de problème de rusticité. C'est ainsi qu'un plant de 'Figue de Langres' (que j'ai multiplié par bouture) et un plant de la variété 'Bécane' (d'origine Porquerolles) ont été confiés à un collectionneur de fruitiers expérimenté résidant dans le Vaucluse. Celui-ci a placé les deux plants côte à côte dans son verger. L'étude comparative qui va s'ensuivre confirmera ou infirmera que le spécimen du plateau de Langres est un plant de la variété 'Bécane'. Il a été convenu de l'intervention de Pierre Baud, le spécialiste français du Figuier (site Internet), lors de la phase de conclusions de l'étude comparative.

 

MES PREMIERS TESTS D'AUTRES VARIETÉS

Au-delà de 'Figue de Langres', j'ai mis en culture quelques variétés de Figuier choisies pour leur rusticité. J'ai eu l'occasion de réaliser sur celles-ci une observation significative de résistance au froid au cours de l'hiver dernier (2009-2010), marqué par une rigueur particulière. Des grands froids ont sévi du 15 au 21 décembre 2009, et la température est descendue à -20,6 °C . Dans la journée suivante, la température la plus haute n’a été que de -12 °C. Une deuxième vague de froid est survenue vers le 5 janvier, et le thermomètre est descendu à -17 °C. Aucune température positive dans la journée n’a été constatée jusqu’au 20 février, sauf quelques heures, soit un gel presque continu de 46 jours.

Mes neuf variétés de Figuier en cours de test, sélectionnées parmi les plus adaptées aux régions froides d'après la littérature et d'après ce qu'avaient pu m'en rapporter certains observateurs, sont âgées de quatre ans, à l'exception de l'une d'entre elles qui a cinq ans. Les sujets sont plantés dans des conditions édaphiques idéales (sol parfaitement drainé). Ils sont conduits en touffe, et ils mesuraient entre 0,85 et 1 m de haut à l'entrée de l'hiver. 

Cette hauteur relativement faible pour des sujets de cet âge non taillés s'explique par le fait qu'ils sont restés deux ans en pots, et que le sol où je les ai plantés n'est pas très riche. Ils avaient en outre subi une gelée précoce début octobre 2008 (- 5 °C), alors qu'ils étaient en végétation, ce qui avait fait geler la pousse de l'année, longue de 1 m. Mes plants ne bénéficient d'aucune protection installée. Voici le constat à l'issue de l'hiver:

'Violetta' (cultivar protégé par un COV) : c’est l’un des deux seuls figuiers dont la partie aérienne n'a pas gelé. Le froid n’a altéré que les rameaux de l’année, et le sujet a très bien supporté les rigueurs de cet hiver.

'Figue de Langres' : comme indiqué précédemment, lui aussi a bien résisté ; la partie aérienne n'a pas gelé. Toutefois, les rameaux de l’année et ceux de deux ans sont morts, mais le sujet (âgé de cinq ans) repart à partir du bois de trois ans.

'Hardy Chicago', 'Dalmatie', 'Longue d’août', et 'Dorée' : toute la partie aérienne est morte, mais la repousse de printemps est assez vigoureuse à partir de la souche.

'Nordland' : partie aérienne complètement gelée, et  repousse plus modeste à partir de la souche que pour les quatre variétés précitées.

'Pastilière' : partie aérienne complètement gelée, et faible repousse de la souche, encore moins vigoureuse que celle de 'Nordland'.

'Brown Turkey' : déconvenue pour cette variété. Généralement considérée comme étant la plus résistante au froid des variétés commercialisées en pépinières, c’est celle qui a le moins résisté (alors que le sujet est placé dans l'endroit le plus protégé du terrain). Partie aérienne complètement gelée, et la repousse à partir de la souche est la plus décevante. Le record de rusticité que j'avais pu lire précédemment pour cette variété était rapporté par un pépiniériste bulgare, chez lequel un spécimen qui a été multiplié et élevé sur place a résisté à un froid de -18 °C sans aucun dommage.

 

UNE OBSERVATION DE RUSTICITÉ EXCEPTIONNELLE

Mon expérimentation du Figuier en région très froide m'a conduit à me demander si des cas de résistance à des températures inférieures à - 20 °C avaient été recensés. Un collectionneur de fruitiers de l'Est de la France m'a rapporté l'observation suivante. Dans le département des Vosges, en région de plaine, la vague de froid hivernale exceptionnelle de 2005 a engendré une longue période de températures très basses au cours de laquelle le minimum de -23 °C a été atteint fin février (température nocturne).

Une jeune cépée de figuier, composée de 5 rejets d'une hauteur de 1,5 m et d'un diamètre de l'ordre de 1 cm seulement, a survécu à cet épisode. Les rameaux ont été rabattus à une hauteur variant entre 15 et 20 cm et ont émis des pousses au printemps. Les rejets avaient été prélevés au pied d'un arbre adulte dans la région de Valence (Drôme), et venaient d'être plantés l'automne précédent.

L'endroit n'est pas protégé des vents dominants et ne bénéficie pas d'abri naturel. Mais une épaisseur de 20 cm de fumier avait été épandue en surface autour de la base pour protéger la souche, et une couche de 10 cm de neige recouvrait le sol la nuit du minimum enduré, ce qui a eu également un effet protecteur contre le froid. Le pied-mère est une variété à figues blanches, dont le nom est inconnu de ses propriétaires mais qui semble assez répandue dans la Drôme.

 

Le cas le plus étonnant de rusticité qui m'a été rapporté est toutefois celui de la variété 'Saint-Martin'. Mais, c'est une autre histoire, c'est à dire un autre article...

 

 

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