Les fruitiers rares
 
Articles généraux      Espèces      Groupes      Pépinières      Non-French items

 


Accueil > Groupes > Légumes-fruits > La morelle des anthropophages.

 

Article publié en 2003.
Tiré d'un ouvrage de 1892.
Auteurs : A. Pailleux / D. Bois.

 

 

La morelle des anthropophages

 

Solanum uporo Dunal

 

 

 

A. Pailleux, membre de la Société Nationale d'Acclimatation, et D. Bois, assistant de la chaire de culture au Muséum d'Histoire Naturelle, ont publié en 1892 Le Potager d'un Curieux, Librairie Agricole de la Maison Rustique. Cet ouvrage rend compte de dix années de recherches et d'essais d'acclimatation de plantes potagères exotiques. Parmi celles-ci, certains légumes-fruits, dont la morelle des anthropophages (Solanum uporo Dunal, Solanum anthropophagorum Seeman, Solanum viride Sol. ex G.Forst.), à laquelle ils consacrent un chapitre qui nous relate l'emploi singulier qui en était encore fait aux îles Fidji quelques décennies auparavant.

 

 

La correspondance relative aux îles Fidji, présentée aux deux Chambres du parlement anglais par ordre de Sa Majesté en mai 1862, est accompagnée d'un appendice intéressant consistant en un rapport du Docteur Seeman sur les productions et les ressources végétales des îles Viti ou Fidji. Un chapitre à la page 58 est consacré aux légumes mangés avec la chair humaine, dont nous donnons l'extrait suivant.

" Puisque le cannibalisme ne survit que dans un petit nombre de localités et devient chaque jour, de plus en plus, un simple sujet historique, il peut être important de savoir ceci : la chair humaine est extrêmement difficile à digérer et les hommes les mieux portants souffrent pendant deux à trois jours après en avoir mangé. Afin sans doute d'aider à la digestion, le bokola, nom technique donné à la chair de l'homme mort, est toujours mangé avec addition de légumes. Il y en a principalement trois sortes qui doivent accompagner le bokola : les feuilles du Malawari (Trophis anthropophagorum Seem.), du Tudana (Omalanthus pedicellatus Benth.), et du Borodina (Solanum anthropophagorum Seem.).

Les deux premiers végétaux sont des arbres de moyenne taille, croissant spontanément dans beaucoup de parties de l'archipel. Mais le Borodina est cultivé, et il y en a généralement plusieurs grosses touffes auprès de chaque "buré" (ou maison des étrangers), où sont portés les corps des hommes tués dans un combat. Le Borodina est un arbre touffu, ayant rarement plus de six pieds, avec un feuillage sombre et luisant et des baies de la forme et de la couleur des tomates. Ce fruit a une légère odeur aromatique, et est accidentellement préparé comme la sauce de tomate.

Les feuilles de ces trois végétaux sont roulées autour du bokola et cuites avec lui sur des pierres chauffées. Tandis que toutes les autres sortes de légumes et de viande sont mangées avec les doigts, on ne touche à cette nourriturequ'avec des fourchettes, généralement faites avec le bois du Nokonoko (Casuarina equisetifolia L.) ou du Vesi (Afselia bijuga A. Gray), portant des noms curieux et ayant trois ou quatre longues dents. La raison donnée à cette dérogation à la manière habituelle de manger est la croyance généralement répandue que les doigts qui ont touché le bokola peuvent engendrer des maladies cutanées quand ils sont en contact avec la peau délicate des enfants. Et, comme les Fidjiens aiment tendrement leur progéniture, ils font scrupuleusement usage de fourchettes dans les occasions indiquées ".
 

Solanum uporo Dunal (jardin botanique Wilhelma-Stuttgart).

Solanum uporo Dunal (jardin botanique Wilhelma-Stuttgart).
Crédit : Zinnmann - licence CC-BY-SA 3.0.
 

En 1878, nous avons semé sur couche et sous chassis le Solanum anthropophagorum. Le 2 juin, nous l'avons mis en place, en plein air, sur vieille couche. Au commencement de septembre, des fruits assez nombreux commençaient à rougir. Au mois d'octobre, ces fruits n'étant pas mûrs, nous avons enfermé la plante dans une cage vitrée et peu de temps après nous avons récolté ses baies. Elles étaient sèches, ou tout au moins assez peu juteuses pour qu'il fût impossible d'en faire une sauce ressemblant à la sauce tomate.

Selon nous, on perdrait son temps et ses peines en cultivant le Solanum anthropophagorum sous le climat de Paris. Mais M. Rantonnet (Revue Horticole, 1867, page 326), horticulteur à Hyères, a reconnu que chez lui il supportait l'hiver en plein air, et il a récolté des fruits mûrs au mois de février. A son avis, cette nouvelle variété de tomate pourrait entrer dans la consommation générale, surtout dans la France méridionale.
 

Fruits de Solanum uporo Dunal (jardin botanique Wilhelma-Stuttgart).

Fruits de Solanum uporo Dunal (jardin botanique Wilhelma-Stuttgart).
Crédit : Zinnmann - licence CC-BY-SA 3.0.

 

Fruits de Solanum uporo Dunal (jardin botanique Wilhelma-Stuttgart).

Fruits de Solanum uporo Dunal (jardin botanique Wilhelma-Stuttgart).
Crédit : Zinnmann - licence CC-BY-SA 3.0.

 

 

Retour début article Début article   Retour répertoire des articles Légumes-fruits Légumes-fruits