Les fruitiers rares |
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Article publié en 2006. |
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Culture de la morelle de Quito
Solanum quitoense Lam.
Un jour, en visitant une serre tropicale, je suis tombé en admiration devant un magnifique Solanum que je ne connaissais pas. L'étiquette précisait Solanum quitoense... De retour à mon domicile, je me précipite sur ma documentation botanique afin de me renseigner plus précisément sur cette espèce. Le Solanum quitoense Lam., ou morelle de Quito, fait partie de la grande famille des Solanaceae. Cette famille de végétaux comprend de nombreuses plantes d’une grande importance alimentaire, que l’on retrouve souvent dans son réfrigérateur comme la tomate, l’aubergine, le poivron ou la pomme de terre. C’est bien la ville de Quito, capitale de l'Equateur, qui a inspiré son nom au botaniste découvreur. La plante est originaire de l'Equateur, du Pérou et de la Colombie. Mais elle fait l'objet d'intenses plantations pour le commerce dans la Cordillère orientale équatorienne, plus précisément dans la vallée où coule le fleuve Pastaza. De là, ses fruits sont expédiés vers Quito et d'autres villes du pays. L’autre appellation française est naranjille, issue du nom espagnol naranjilla (petite orange), car, comme nous le verrons par la suite, le fruit de cette plante ressemble à une orange miniature. En Colombie et au Vénézuéla, on l’appelle aussi « Lulo de Castilla », ou simplement « Lulo ». Notre plante pousse naturellement sous le climat équatorial, mais à des altitudes élevées, de 1000 à plus de 2000 m. Le plus haut point où on l'a observée en Equateur étant Otavalo, à 2600 m. A ces hauteurs, la température est plus « fraîche », mais oscille entre 15 et 25 °C toute l’année. Le Solanum quitoense Lam. adore donc la douceur. Comme tous les représentants du genre Solanum, il est très gourmand en nutriments. Son sol de culture doit être riche en matières organiques. Ces quelques indications
montrent que cette plante aux exigences particulières ne doit pas être simple à cultiver. Malgré
cela, je me suis lancé le défi de faire pousser un Solanum quitoense Lam., et d’en
manger les fruits. On est passionné de fruitiers rares ou pas... Se procurer des graines
de cette plante n’est pas chose aisée. Inutile de perdre du temps à faire le
tour des jardineries classiques. Seuls quelques rares VPCistes en proposent ;
sinon les sites Internet d’échanges de graines rares sont une autre
solution. Ces graines difficiles à trouver sont morphologiquement très banales, et ressemblent à s’y méprendre à celles del’aubergine. Solanum quitoense Lam. : graines. J’ai semé sous serre ces semences un 20 avril dans un bon terreau spécial semis. La levée est longue ; elle demande de 10 à 15 jours. A la mi-mai, les deux cotylédons sont bien ouverts. Solanum quitoense Lam. : levée des graines réussie. A ce stade, j'ai repiqué les plants en godets individuels. Deux semaines après repiquage, les premières feuilles ont fait leur apparition. Solanum quitoense Lam. : développement des premières feuilles après repiquage en pot individuel. Il faudra encore une quinzaine de jours pour que les vraies feuilles matures se forment. Grossièrement dentelées, elles présentent les premières épines au niveau des nervures et une couleur violette commence à les colorer ainsi que les pétioles. Fin juin, notre Solanum est devenu une belle plante bien développée. Il faut commencer à l’abriter des rayons trop brûlants du soleil. Il s'agit là de mon
expérience personnelle car j’habite un département du sud-ouest de la France
aux étés chauds. Peut-être qu’au nord de la Loire, ou mieux encore dans les
départements doux de Bretagne et Normandie, la plante n’aurait pas besoin d’être
placée à mi-ombre. Solanum quitoense Lam. : plante développée. Au toucher, là où il n’y a
pas d’épines, la feuille a une texture épaisse et veloutée assez peu commune dans le règne végétal. Solanum quitoense Lam. : aspect des feuilles. Le détail de la surface d'une
feuille montre que les épines sont assez développées, environ 2 cm pour les plus grandes. Solanum quitoense Lam. : détail d'une feuille montrant les épines. Mais, heureusement pour les personnes n’aimant pas les plantes agressives, il existe une variété totalement sans épines. Dans les pays
de production, cela doit grandement faciliter la récolte pour les cueilleurs ! Voici une feuille inerme. Préférable aussi pour les personnes qui aiment parler aux végétaux tout en les caressant... Solanum quitoense Lam. : feuille d'une variété inerme. Après un été de croissance, à la mi-septembre, la plante est maintenant ramifiée et porte ses premières fleurs. Solanum quitoense Lam. : plante développée avec premières fleurs.
Solanum quitoense Lam. : fleur. Les botanistes et les jardiniers aguerris reconnaîtront aisément la morphologie des fleurs de la famille des
Solanacées. Solanum quitoense Lam. : détails d'une fleur. La fécondation s'effectue sans problèmes et n'exige pas d’intervention particulière. La nouaison est assez rapide ; il s’ensuit un jeune fruit très velu. Solanum quitoense Lam. : jeune fruit. Les fleurs
apparaissent majoritairement en groupes, comme c'est le cas pour la tomate ; les fruits sont donc généralement en
grappes. Solanum quitoense Lam. : grappe de jeunes fruits. Notre Solanum quitoense Lam. adulte porte maintenant tous ses fruits. Mais on se heurte alors à un problème majeur sous nos latitudes : les fruits
sont verts et nous sommes en octobre, voire novembre ; or les fruits demandent
encore plusieurs semaines pour mûrir et les températures inférieures à 10 °C font
dépérir rapidement la plante, et le moindre gel la fait mourir. Afin d’avoir la possibilité de récolter des naranjilles consommables, il faut impérativement posséder
une serre ou une véranda hors gel pour y entreposer la plante. Pour ma part, j'effectue une mise sous serre. Mes fruits se colorent
lentement et progressivement au cours de l’hiver. Souvent, une grande majorité
des feuilles se fanent et tombent. Cela n’empêche pas les fruits de continuer à
mûrir. Solanum quitoense Lam. : fruits en cours de maturation. La récolte est enfin réalisable à la fin de l’hiver ou au printemps. Si l’on désire avoir des fruits en nombre en même temps, il est possible de laisser des fruits mûrs sur la plante assez longtemps dans l'attente que les autres arrivent à maturité. La naranjille bonne à
être cueillie se remarque par sa belle couleur orange ; la tige du fruit est souvent sèche à ce stade. De petits poils légèrement piquants recouvrent la peau. Il est très facile de les enlever en frottant simplement le fruit avec ses doigts ou avec un chiffon. Solanum quitoense Lam. : fruit mûr. En condition de culture
en pot, comme décrit dans cet article, la production d’un pied de morelle de Quito peut être d’une douzaine de fruits de 3 à 5 cm de diamètre. Voici la récompense du passionné de fruitiers rares : une belle assiette de naranjilles joliment
colorées, prêtes à être dégustées ! Solanum quitoense Lam. : récolte de fruits mûrs (après élimination des poils). Il est possible de les
manger épluchées ou de les couper en deux pour les consommer avec une petite cuillère. La pulpe est juteuse, mais assez acide et chargée en graines. Elle contient un grand nombre de vitamines ainsi que des oligo-éléments (calcium, phosphore…). Solanum quitoense Lam. : fruit coupé en deux (observation pulpe et graines). Ma première dégustation
fut ainsi assez décevante car compte tenu du nom espagnol « naranjilla »
qui, comme déjà indiqué, signifie « petite orange », je m’attendais à plus
de douceur ! Mais cette appellation évoque la forme et la couleur du fruit, et non son goût... Mes recherches m’ont
permis d’apprendre que dans son pays d’origine, mais également dans une partie
de l'Amérique du Sud, la naranjille est consommée de différentes manières : boisson, vin,
crème glacée, sorbet, gelée, sauce, dessert… Ne disposant que de peu
de fruits et d’aucune recette précise, je me suis tout de même lancé dans la fabrication d’une boisson. J’ai simplement pressé au presse-agrumes quelques naranjilles. Après passage à travers une passoire fine pour séparer les graines, j’ai obtenu un jus verdâtre. Solanum quitoense Lam. : jus pur extrait de fruits mûrs. J’ai rajouté de l’eau et du sucre en poudre et ai placé le mélange au frais. Solanum quitoense Lam. : jus additionné d'eau et de sucre. Une fois frais, je l'ai bu après l'avoir bien remué. J’ai trouvé cette boisson goûteuse et agréable, bien meilleure que la pulpe pure, trop
acide à mon avis. Je n’ai jamais vu de
naranjilles à la vente en France. En revanche, lors d’un passage en Espagne, à Barcelone, j’ai eu la surprise d’en trouver sur un marché (importation d’Amérique du Sud). Ces fruits étaient plus gros que ceux de ma production, environ 6 ou 7 cm de diamètre. La pulpe était de texture et couleur similaires, mais moins acide. Solanum quitoense Lam. : fruits importés d'Amérique du Sud (étal d'un marché espagnol). Après hivernage en pot dans la serre hors gel (+ 3 °C la nuit) et fructification, mes morelles de Quito ont très mauvaise mine. Il est possible de les faire redémarrer en procédant à une taille et à un rempotage. Le bouturage est également praticable. Mais, pour ma part, je préfère effectuer un semis annuel.
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