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Article publié en 2007.
Enrichi en 2017.
Auteur : François DROUET.
Tous droits réservés.

 

 

Le Feijoa : pollinisation et choix des variétés

 

 

 

Dans mon jardin botanique situé sur le littoral méditerranéen (région de Toulon), j'ai établi une petite collection de feijoas constituée de six variétés différentes, que je cultive depuis dix-sept ans. Il s'agit de deux pieds de chacune des variétés, conduits en touffes en bordure d'un large chemin qui sépare deux parcelles et, pour l'une des variétés, d'un troisième pied conduit en demi-tige à l'entrée du jardin botanique, soit 13 arbustes au total.

On me demande souvent comment choisir et associer les variétés de Feijoa. Je me suis longuement interrogé sur ce sujet, et je livre volontiers la synthèse de ma réflexion et de sa mise en pratique. Selon le plan suivant : problématique de pollinisation, variétés disponibles, fertilité des variétés, comment associer les variétés, autres critères de choix, élargissement du choix variétal, les sujets issus de semis.

 

PROBLÉMATIQUE DE POLLINISATION

 

BIOLOGIE FLORALE

La fleur du Feijoa, Acca sellowiana (O. Berg) Burret, est hermaphrodite et parfaitement constituée. Mais, elle a une tendance à la prototogynie (les stigmates sont réceptifs avant que les étamines ne libèrent le pollen) et son pollen est auto-incompatible. Cela entraîne une autostérilité pour la quasi-totalité des plants de Feijoa. Il existe toutefois quelques variétés plus ou moins autofertiles (voir suite de l'article).

J'ai trouvé d'intéressantes précisions en pages 12 et 13 de la thèse d'ingénieur agronome de Juan Nicolás CUNDA SISTO, intitulée "Caracterización de plantas de Guyabo del país (Acca sellowiana (Berg) Burret) desde un enfoque frutícola" et soutenue à la faculté d'agronomie de Montevideo, Uruguay, en 2006. Concernant la tendance à la protogynie : le stigmate est réceptif 24 heures avant la déhiscence des anthère, et le reste pendant 10 heures après. Concernant l'auto-incompatibilité : sur la même fleur, la germination du pollen dans le stigmate se produit, avec développement du tube pollinique jusqu'à la base du style, mais un phénomène d'auto-incompatibilité existe au niveau de l'ovaire.

Une variété autostérile de Feijoa ne fructifie pas (ou fructifie très faiblement) si elle est plantée seule. Pour la faire fructifier, il faut lui associer en culture une autre variété, ou un individu issu de semis, qui va la polliniser. Inversement, la variété autostérile va polliniser la variété qui l'accompagne (interpollinisation entre les deux variétés). Une variété autofertile de Feijoa fructifie si elle est plantée seule. Toutefois, un plant d'une variété autofertile ne produit pas autant s'il est seul en culture que s'il est cultivé en association avec un plant d'un autre cultivar, ou un individu issu de semis, avec lequel il s'interpollinise. L'interpollinisation augmente également la taille des fruits.

 

POLLINISATION ENTOMOPHILE

La fleur du Feijoa attire les insectes car elle est parfumée et ses pétales sont sucrés. Le parfum de la fleur est marqué, je le sens nettement, mais pour le sentir il faut que je mette le nez sur la fleur. Le parfum des fleurs de Feijoa n'embaume pas les alentours de l'arbre. La fleur n'a pas le même parfum que le fruit. De façon surprenante, je trouve son parfum identique à celui de la fleur de Passiflora caerulea L.

On peut se rendre compte que les pétales sont sucrés en les goûtant car ils sont comestibles. Toutefois, selon les plants, j'ai trouvé que les pétales peuvent être assez amers... J'ai observé que la pollinisation est réalisée par les abeilles et les bourdons. Il se peut que d'autres insectes y participent, mais je n'ai pas relevé d'activités particulières.
 

Acca sellowiana (O. Berg) Burret : la pollinisation est entomophile.

Acca sellowiana (O. Berg) Burret : la pollinisation est entomophile.
 

Selon V. -A. EVREINOFF, la fleur parfumée du Feijoa est considérée comme très mellifère (Etude pomologique sur le Feijoa, Journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée, 1955, vol. 2, n° 5,  pp. 323-329). Je puis le confirmer car j'ai observé qu'elle attire les abeilles. Toutefois, la fréquentation par les abeilles est nettement moins importante que chez les plantes très nectarifères, telles différentes espèces de Grevillea ou de chèvrefeuilles qui fleurissent dans mon jardin en même temps que les feijoas.
 

Feijoa : abeille butinant une fleur.

Feijoa : abeille butinant une fleur.
 

Les abeilles assurent la pollinisation en transportant d'une fleur à l'autre le pollen dont elles se chargent lors des frottements avec les anthères pendant leur activité de butinage.
 

Feijoa : pollen sur abeille butinant une fleur.

Feijoa : pollen sur abeille butinant une fleur.
(noter le pollen sur l'aile, l'extrémité de l'abdomen et la patte arrière).

 

Concernant l'activité des abeilles sur les fleurs de Feijoa, j'ai remarqué que, bien qu'elles butinent aussi les étamines, c'est souvent un pétale qui est l'objet du butinage, plus précisément la face interne de celui-ci. Et j'ai observé de nombreuses fois que la face interne des pétales paraît humide. J'ai noté que selon V. A. EVEINOFF (article précité), la fleur de Feijoa ne produit pas de nectar. J'ai pensé à l'éventualité de la rétention de la rosée matinale, mais mes observations avaient lieu à des heures avancées de la journée, alors que le soleil dardait depuis plusieurs heures... Il convient que j'étudie de façon plus approfondie ce phénomène.

La pollinisation entomophile ne présente pas de problèmes entre plants de variétés différentes. J'ai pu constaté que le taux de nouaison est important lorsque les arbres sont dans des conditions de pollinisation intervariétale. Ainsi, la pollinisation manuelle (sur la même plante ou croisée) est inutile. Sur le même pied, la pollinisation manuelle serait d'ailleurs généralement inefficiente, tout ou partie, en raison de l'autostérilité totale ou relative de la quasi-totalité des plants.

Dans l'hémisphère austral certains oiseaux sont attirés par les pétales sucrés. Pendant qu'ils consomment les pétales, leur plumage entre en contact avec les étamines et ils favorisent ainsi la pollinisation en transportant le pollen d'une fleur à l'autre. Ce sont d'ailleurs les gros oiseaux qui sont les plus efficients. Le rôle des oiseaux dans la pollinination, important dans l'hémisphère austral, est inexistant sous nos latitudes, où il est rare de voir un oiseau posé sur un feijoa. J'ai toutefois repéré plusieurs fois des mésanges à l'intérieur de touffes de Feijoa, mais sans pouvoir m'approcher suffisamment pour observer de façon détaillée ce qu'elles faisaient.

 

VARIÉTÉS DISPONIBLES

 

A la date de publication du présent article, six variétés sont disponibles à la vente en France : Triumph, Mammouth, Coolidge, Unique, Apollo et Gemini. Ce sont celles que je cultive. Une nouvelle variété a été introduite récemment en France chez certains collectionneurs par un pépiniériste tchèque. Il s'agit de la variété 'Nikita’, obtenue  par le jardin botanique de Nikita, localité voisine de Yalta, en Ukraine. Elle possède le caractère distinctif d'une fructification très précoce. J'ai l'intention de l'introduire dans ma collection.

Au-delà de ces 7 variétés, il existe, ou il a existé, de nombreuses variétés sélectionnées dans divers pays, parmi lesquelles les 95 suivantes (liste non exhaustive).

France : André, Besson. Ces deux variétés semblent avoir disparu de France. Origine de la variété André : plant rapporté en 1890 de La Plata par Edouard André, rédacteur en chef de la Revue horticole. Le mot La Plata est celui employé par Edouard André lui-même. Ce terme était communément utilisé à l'époque pour désigner la région du Rio de La Plata, dont l'Uruguay où Edouard André a effectué en 1890 une importante mission de paysagisme, dans la capitale, Montévidéo. Origine de la variété Besson : graines importées d'Uruguay en 1899 par les frères Besson, pépiniéristes à Nice.

Italie : Bagheria,  Inderst, Mangiapane, Pagliaia, Portici, Russo, Sicilia. ; Espagne : Alpe, Castro-Viejo, Vilagarcia ; Israël : Slor.

Brésil : Alcântara, Campineira, Helena, Mattos, Nonante, Santa Elisa ; Colombie : Caldas Colombia, Niza, Rio negro, Tibarosa ; Uruguay : Botali, M-4.

ex URSS : Côtelé de Crimée, Hiakoume, Kubanek, Parfumé de Nikita, Précoce de Crimée, N 27 Précoce, N 89, Sinope.

USA : Albert's Pride, Beechwood, Bliss, Edenvale Improved Coolidge, Edenvale Late, Edenvale Supreme, Hehre, Jackson, Lickver's Pride, Moore, Nazemetz, NCSU Hardy, Pineapple Gem,  Smilax, Smith, Trask.

Australie : Chapman, Choiceana, Duffy, Large Oval, Superba ; Nouvelle-Zélande : Anatoki, Antoinette, Arhart, Bambina, Candy, David, Den's Choice, Golden Goose, Gracie, Huia, K-51, Kaiteri, Kakapo, Kakariki, Karamea, Kawateri, Kumeu,  Magnifica, Manawatu, Marion, Monique, Opal Star, Pounamu, Ramsey, Robert, Rounjdon, Snow Goose, Tagan I, Tagan II, Takaka, Waitui, Waingaro, White delight, White Goose, Wiki Tu.

Variétés dont je n'ai pas pu retrouver avec certitude le pays d'obtention : Barton, Calinge, E 4, Hirschvogel, Theo, variegata.

 

FERTILITÉ DES VARIÉTÉS DISPONIBLES EN FRANCE

 

Les principes de la fertilité des variétés du Feijoa étant connus, la pratique devrait être simple. Elle l'est moins quand on sait que certaines variétés sont partiellement autofertiles, et quand on constate que les informations concernant la fertilité des variétés sont approximatives dans nombre d'ouvrages et d'articles, et parfois contradictoires d'un ouvrage à l'autre, ou d'un article à l'autre.

Pour ma part, mon expérience de 17 ans de culture des 6 variétés disponibles en France ne m'a pas permis d'établir quelles variétés sont autostériles, et lesquelles sont autofertiles, à l'exception de la variété 'Unique' (autofertile). En effet, je cultive 12 de mes 13 plants dans la même parcelle, à 5 m les uns des autres, et ils s'interpollinisent globalement. J'ai pu toutefois observer en culture isolée mon treizième plant, qui est de la variété 'Unique'. Celui-ci étant planté dans une parcelle distante de celle où se trouvent groupés les douze autres plants. J'ai pu vérifier en culture que la variété 'Unique' est autofertile. J'ai pu également constater qu'elle produit des fruits plus gros et plus nombreux si elle est pollinisée par une autre variété.

J'avais planté un sujet de la variété 'Unique' dans une parcelle éloignée de celle où se trouvaient mes 12 autres pieds de Feijoa. Sa fructification était non satisfaisante en nombre et en taille par rapport aux autres plants de Feijoa, dont deux plants de la variété 'Unique'. Par la suite, j'ai été amené à déplacer une partie de mes plants de Feijoa. Je les ai transplantés près du sujet de la variété 'Unique' initialement isolé. La saison suivante, ce dernier a produit de façon satisfaisante (abondance de la fructification, fruits plus gros), bénéficiant de l'interpollinisation des autres plants qui avaient fleuri abondamment malgré leur transplantation.

Que dit la littérature (mondiale) pour les 5 autres variétés disponibles en France ? La variété 'Coolidge' est totalement autofertile. Quelle que soit la source consultée, l'information est la même. Concernant les quatre autres variétés, j'ai trouvé dans les ouvrages et les articles des approximations ou des contradictions, y compris dans l'information fournie par les pépinières néo-zélandaises, pourtant en pointe en matière de Feijoa.
 

J'en retire malgré tout les conclusions suivantes, sachant qu'en fait, comme nous le verrons plus bas dans l'article, cela n'a aucune importance dans le choix des variétés à planter. Les variétés 'Mammouth', 'Apollo' et  'Gemini' seraient partiellement autofertiles. 'Apollo' peut-être plus que les deux autres. La variété 'Triumph' est autostérile. Une étude menée en Italie en 1988 et 1989 à l'Institut expérimental de fruticulture de Rome l'a montré clairement (Feijoa sellowiana : floral biology, M. T. Dettori et R. Di Gaetano, Advances in Horticultural Science, vol. 5, n° 1, 1991, pp. 11-14, accès).
 

Acca sellowiana (Feijoa) : fruits d'un cultivar sélectionné pour sa fructification.

Acca sellowiana (Feijoa) : fruits d'un cultivar sélectionné pour sa fructification.

 

COMMENT ASSOCIER LES VARIÉTÉS ?

 

Deux critères sont à combiner pour une association optimale des variétés disponibles en France : l'interpollinisation et l'époque de maturité. Quatre des variétés disponibles en France ont été diffusées en Nouvelle-Zélande pour plantation dans les vergers de production commerciale sous la forme de duos dans lesquels les variétés ont été choisies pour une interpollinisation optimale. Il s'agit du duo 'Mammouth' / 'Triumph', obtenu à la fin des années 1950 et diffusé en 1979, et du duo  'Apollo' / 'Gemini', diffusé en 1983. 

J'ai effectivement vu arriver dans les pépinières françaises 'Mammouth' et 'Triumph' dans un premier temps, vendues en duo pour l'interpollinisation. Puis, quelques années après, sont venues s'y ajouter les variétés 'Apollo' et 'Gemini', également vendues ensemble pour l'interpollinisation. Donc, même si la variété  'Mammouth' est prétendue partiellement autofertile, il vaut mieux la réserver à une association avec 'Triumph' pour une plantation de deux variétés. 'Triumph' étant autostérile, il faut la cultiver impérativement avec une seconde variété, et il vaut mieux l'associer avec 'Mammouth' car elles ont été sélectionnées pour une interpollinisation optimale. Il en va de même avec l'association 'Apollo' / 'Gemini', même si ces deux variétés sont prétendues partiellement autofertiles.

Il faut toutefois prendre aussi en compte l'époque de récolte. Avec le duo 'Apollo' / 'Gemini' la récolte commencera nettement plus tôt et finira plus tôt qu'avec le duo 'Mammouth' / 'Triumph'. La récolte des feijoas s'effectuant en automne (octobre et novembre), si l'on n'est pas dans une zone vraiment méridionale, il vaut mieux opter pour le duo 'Apollo' / 'Gemini'. Pour les régions méridionales, si l'on a le choix entre les deux duos, je suggère de choisir 'Mammouth' / 'Triumph', dont la qualité de fructification globale a ma préférence, même si la fructification du duo 'Apollo' / 'Gemini' est très bonne.

Si l'on souhaite planter une seule variété, on choisira 'Unique' ou 'Coolidge', qui sont totalement autofertiles. Je suggère de choisir 'Unique' pour les régions septentrionales car c'est une variété plus précoce (trois à quatre semaines) que les autres, et de réserver 'Coolidge' aux régions méridionales. Mais, il faut retenir que les variétés autofertiles fructifient plus abondamment et donnent des fruits plus gros si elles sont pollinisées par une autre variété.

Donc, si les résultats avec une seule variété vous paraissent insuffisants, il convient d'adjoindre à celle-ci une seconde variété. Pour les régions septentrionales, je suggère d'associer à 'Unique' la variété 'Gemini' qui est précoce, la plus précoce des variétés après 'Unique'. Pour les régions méridionales, je suggère d'associer à 'Coolidge' la variété tardive 'Triumph'. Ce sont mes deux variétés préférées pour la qualité des fruits, même si la fructification des autres variétés est très bonne.

Il faut noter que les autres associations possibles entre les 6 variétés ne présentent pas de caractère rédhibitoire, aucune variété n'étant incompatible avec une autre pour l'interpollinisation. En conclusion, régions septentrionales : 'Unique' si une seule variété plantée ;  'Apollo' / 'Gemini' si deux variétés plantées simultanément ; 'Unique' puis 'Gemini' si deux variétés plantées en deux fois. Régions méridionales : 'Coolidge' si une seule variété plantée ; 'Mammouth' / 'Triumph', si deux variétés plantées simultanément ; 'Coolidge' puis 'Triumph' si deux variétés plantées en deux fois.
 

Acca sellowiana (Feijoa) : fruits proches de la maturité.

Acca sellowiana (Feijoa) : fruits.

 

AUTRES CRITÈRES DE CHOIX

 

ASPECT DU FRUIT
 

Pour moi, dans le cas des 6 variétés de Feijoa disponibles en France, il n'y a aucun intérêt à choisir une variété en fonction de la description du fruit. En effet, en dix-sept ans de culture, j'ai observé que les six variétés de Feijoa disponibles en France donnent toutes des récoltes abondantes de gros fruits à très bon goût si elles sont interpollinisées. C'est pourquoi je ne détaille pas les caractéristiques des fruits et je n'en fais pas un critère de choix de la variété.

Ceux qui souhaitent lire une brève description pomologique de chacune des variétés peuvent se référer à la page "Varieties" du site de l'association des producteurs de feijoas de Nouvelle-Zélande (New Zealand Feijoa Growers Association). Par ailleurs, en ce qui concerne l'aspect du fruit, il faut une certaine habitude pour savoir distinguer les fruits d'une variété ou d'une autre, compte tenu que les fruits sont tous de couleur verte, qu'ils ont des formes proches, et qu'il existe une variabilité des fruits sur le même arbre. Je n'en suis pas capable de façon certaine pour la moitié des fruits de la récolte ... Je puis simplement indiquer que j'ai remarqué que 'Triumph' produit très majoritairement des fruits ovales allongés.

En ce qui concerne la grosseur des fruits, j'ai noté que 'Unique' et 'Gemini' produisent des fruits en moyenne plus petits que ceux des autres variétés, bien que certains de leurs fruits soient aussi gros que les plus gros des autres variétés. Toutefois, ce n'est pas une raison pour éliminer ces variétés car nous avons vu dans l'association variétale qu'elles possèdent des qualités qui justifient leur préférence dans certains cas (pour toutes deux, leur précocité qui les rend souhaitables en régions non méridionales, et, en sus pour 'Gemini', sa vocation de variété pollinisatrice préférentielle de la variété  'Apollo').
 

GOÛT

En ce qui concerne le goût des fruits, l'ensemble des variétés de Feijoa produisent des fruits de très bon goût, mais une petite partie des fruits de la récolte d'un même arbre révèle un goût plus fin et plus intense : ce sont ceux que je nomme les fruits succulents. Ils sont sans doute plus chargés de certains composants aromatiques dont j'ignore la nature. J'ai remarqué que la variété 'Triumph' produit le plus de fruits succulents dans une récolte. Mais c'est la plus tardive des six variétés, donc à réserver aux zones les plus méridionales.

Robert Pélissier, pépiniériste à Aubagne désormais à la retraite, qui fut l'introducteur d'espèces et de variétés fruitières nouvelles le plus dynamique des dernières décennies, m'a indiqué que, pour lui, parmi les six variétés de Feijoa disponibles en France qu'il cultive de longue date, c'est la variété 'Apollo' qui remporte la palme en matière de goût.

Concernant le goût des feijoas, il existe une autre particularité : la présence sur le même arbre d'un faible pourcentage de fruits au goût médicamenteux très désagréable. Ce n'est pas un critère d'élimination d'une variété car j'ai constaté que ce phénomène existe pour l'ensemble des six variétés, et que la proportion de tels fruits est la même pour chacune d'entre elles (au maximum 2 % sur chaque arbre, parfois nulle).
 

ABONDANCE DE LA FLORAISON ET DE LA FRUCTIFICATION

Ces critères sont sans objet pour les 6 variétés de Feijoa disponibles en France. En effet, je n'ai pas remarqué qu'une variété soit plus ou moins florifère qu'une autre. De même, dans mes conditions d'interpollinisation, je n'ai pas observé qu'une des 6 variétés soit plus fructifère qu'une autre, à floraison de même volume le taux de nouaison ne me semble pas varier sensiblement d'une variété à l'autre.
 

VIGUEUR

Ce critère est également sans objet car j'ai pu constater qu'il n'existe pas de différence significative de vigueur entre les 6 variétés de Feijoa que je cultive. Julia F. Morton, professeur à l'université de Floride, mentionne certaines différences de port et de vigueur entre les variétés de Feijoa dans l'ouvrage Fruits of warm climates, 1987, Miami, FL, pp. 367-370. Ces informations ont été reprises sur le site de l'association California Rare Fruit Growers.

En particulier, concernant trois des six variétés disponibles en France, elle précise : port érigé et vigueur importante pour 'Coolidge' et 'Mammouth' ; port érigé et vigueur moyenne pour 'Triumph'. C'est peut-être vrai dans certaines régions des Etats-Unis, mais, dans mon terroir, je n'ai pas remarqué de différences significatives entre les 6 variétés en 17 ans de culture. Toutes mes touffes font entre 2 et 2, 5 m de haut et entre 2,5 et 3,5 m de large.

A titre d'exemple de la non validité générale des observations de vigueur des variétés de Feijoa, je cite la pépinière Waimea Nurseries, une des plus grosses pépinières de Nouvelle-Zélande, proposant 10 cultivars de Feijoa. Dans sa brochure spécialisée dédiée au Feijoa, la pépinière indique que la variété 'Triumph' présente "une forte vigueur de pousse, particulièrement dans son jeune âge".
 

RÉSISTANCE AU FROID

Je ne sais pas s'il existe des différences de résistance au froid entre les 6 variétés disponibles en France car je n'ai pas pu tester de grands froids sur ma collection de feijoas. Les froids exceptionnels subis par ma collection de feijoas ont été de seulement -9 °C une année et de -10 °C une autre année (coups de froid brefs en fin de nuit, suivis de températures nettement positives dans la journée). L'ensemble des variétés a résisté sans aucun dégât à ces deux coups de froid exceptionnels. Il en est de même pour les froids habituels les plus rigoureux (-7 °C) enregistrés tous les trois ans une à deux fois par hiver, sous la forme de coups de froid brefs en fin de nuit avec températures largement positives dans la journée.

En tout état de cause, le Feijoa est résistant au froid lorsqu'il est adulte. Les observations de rusticité que je rapporte dans mon article relatif à la culture du Feijoa permettent d'avancer une résistance pour l'arbre jusqu'à -15 °C, voire plus bas selon les conditions de plantation. Pour la rusticité des fruits, je relève une contradiction entre les observations précitées, qui permettent d'avancer une résistance au froid de -11/-12 °C, et certaines pépinières néo-zélandaises, qui mentionnent que les fruits sont endommagés à partir de -3 °C.
 

Acca sellowiana (Feijoa) : fruits mûrs tombés au sol.

Acca sellowiana (Feijoa) : fruits mûrs tombés au sol.

 

ÉLARGISSEMENT DU CHOIX VARIÉTAL

 

Pour augmenter les critères de choix, il faut en fait élargir le choix variétal, en envisageant d'acquérir des variétés de Feijoa non disponibles en France.
 

VARIÉTÉ A FEUILLAGE PANACHÉ

Pour apporter une touche d'originalité parmi mes feijoas, je souhaite introduire en collection Acca sellowiana var. variegata, variété ornementale par ses feuilles marginées de blanc crème. A la date de rédaction du présent article, cette variété n'est pas disponible en France. Je n'ai pas encore trouvé de pépinière étrangère qui la vende, y compris Esveld, aux Pays-bas, qui, selon certains, l'aurait obtenue de semis. Je l'ai localisée au jardin botanique de Dublin, et en ai vu de très belles photographies sur un site Internet japonais.
 

CULTIVARS AMÉRICAINS

J'ai repéré aux Etats-Unis un cultivar de Feijoa que je souhaite mettre en culture en raison de la forme particulière de ses fruits : il s'agit de 'Smilax', qui produit des fruits parfaitement ronds.Un autre cultivar américain, obtenu à San Diego, en Californie, a retenu mon attention. Il s'agit de 'Nazemetz', qui aurait la particularité d'être le seul cultivar de Feijoa dont la pulpe des fruits ne s'oxyde pas au contact de l'air, conservant sa belle couleur blanche après que le fruit a été tranché ou débité (il en serait de même lorsque le fruit mûrit...). Ce cultivar est en outre très tardif et serait susceptible d'allonger de quelques jours la saison des récoltes de feijoas par rapport aux cultivars disponibles en France.

Parmi les cultivars américains, je me suis interrogé sur la rusticité de celui qui porte le nom 'NCSU Hardy'. Il est situé au JC Raulston Arboretum, sur le campus de la NCSU (North Carolina State University), à Raleigh. On trouve très peu d'informations sur ce cultivar dans la base de données de l'arboretum : il a été planté en 3 exemplaires en 1994 et 1995, avec le n° d'accession 780000, à trois endroits éloignés les uns des autres, facilement repérables sur la carte de l'arboretum. Il n'est proposé par aucune pépinière, et il ne figure pas dans la liste des plantes proposées lors de la vente annuelle organisée à l'arboretum, dont j'ai pu consulter les versions 2013 à 2016.

J'ai pu apprendre par ailleurs qu'il s'agit d'une sélection effectuée par des étudiants, mais je n'ai pas pu déterminer sur quels critères s'est effectuée la sélection, et surtout quelle est la résistance au froid précise de ce cultivar. Selon les cartes fournies par l'USDA, la ville de Raleigh est située en zone climatique 7b (moyenne annuelle des températures minimales : -12,3 à -14,9 °C).  Si ces températures indiquaient des records négatifs annuels, il n'y aurait rien d'exceptionnel à ce que les trois spécimens de Feijoa survivent sous ce climat, a fortiori s'ils sont abrités au milieu d'autres arbres au sein de l'arboretum.

Mais, contrairement à ce qui est souvent compris, il s'agit de moyennes annuelles de températures minimales. Cela signifie que les spécimens de Feijoa ont survécu à des pointes de froid plus basses qu'une moyenne située entre les deux bornes précitées. Il serait intéressant de s'enquérir auprès de Mark Weathington, directeur du JC Raulston Arboretum, des records de températures minimales constatés dans l'arboretum et des effets sur les spécimens de Feijoa.

Mark Weathington présente Acca sellowiana 'NCSU Hardy' dans un court article du blog de l'arboretum, et précise qu'au JC Raulston Arboretum les jeunes sujets de Feijoa ont besoin d'être protégés l'hiver, mais qu'une fois bien établis ils sont généralement suffisamment rustiques. Il indique aussi que dans les conditions climatiques locales ce cultivar fleurit abondamment mais fructifie rarement. Il est possible que l'absence de fructification soit due aux conditions climatiques, mais il faut aussi avoir vérifié que le cultivar ne présente pas une autostérilité quasi complète, le manque d'insectes pollinisateurs n'étant pas constaté dans l'arboretum.

 

CULTIVARS NÉO-ZÉLANDAIS

Je me suis longuement intéressé aux cultivars actuels de Nouvelle-Zélande, pays dans lequel la recherche agronomique sur le Feijoa est la plus avancée. Parmi les cultivars précoces disponibles en Nouvelle-Zélande, j'ai relevé 3 cultivars nettement plus précoces que 'Unique' : 'Kakariki' (maturité 4 semaines avant 'Unique'), 'Anatoki' et 'Kaiteri' (tous deux plus précoces que 'Unique' de 2 à 3 semaines). Je retiens 'Kakariki' et, entre les deux autres cultivars, mon choix se porte sur 'Kaiteri'. Ce dernier est remarquable par sa forte vigueur, l'abondance de sa fructification, et la taille importante de ses fruits. 'Anatoki' étant plutôt nain, bien que produisant de gros fruits.

Je réserve 'Anatoki', qui requiert une interpollinisation, à une association avec le cultivar nain 'Bambina', également commercialisé en Nouvelle-Zélande. Le duo 'Anatoki' / 'Bambina' pourrait être proposé aux personnes qui ont un espace de plantation restreint. Il faut noter que le cultivar nain 'Bambina' présente des feuilles, des fleurs et des fruits de petite taille. D'après la documentation des pépinières, ses petits fruits pourraient se manger avec la peau, qui serait très fine, ce qui éviterait le recours à la petite cuillère. Cette très intéressante particularité est, selon moi, à tester. A cet effet, j'envisage de faire entrer 'Bambina' dans ma collection.

Concernant les cultivars de mi-saison, j'ai repéré un seul cultivar qui pourrait se démarquer des cultivars disponibles en France : 'Wiki Tu', assez tardif pour un cultivar de mi-saison, dont la maturité intervient nettement après celles d' 'Apollo' et de 'Mammouth', et avant celle de 'Triumph' (qui n'est pas un cultivar de mi-saison, mais un cultivar tardif). Sa particularité est de produire des fruits énormes, pouvant atteindre 300 g. Avec les 6 cultivars actuels, mes records annuels de poids unitaire sont de l'ordre de 130 g à 165 g selon les années, ce qui représente déjà un très gros fruit.

Parmi les cultivars tardifs, j'ai remarqué 'Golden Goose'. Il est réputé très tardif, mais il est donné pour une époque de maturité équivalente à celle de 'Triumph'. Je n'ai pas trouvé d'informations permettant de savoir s'il est éventuellement un peu plus tardif que 'Triumph' pour le début de l'époque de maturité, et surtout si sa saison de récolte des fruits se termine après celle de 'Triumph'. C'est un cultivar que je souhaiterais tester car si je puis allonger la saison des récoltes de feijoas de quelques jours, cela peut être intéressant dans ma région. Le gel n'y survient pas au mois de décembre, la plupart des années. Je n'ai jamais eu à constater l'effet du gel sur les fruits du Feijoa, mais, selon les pépinières néo-zélandaises, ils sont endommagés à partir de - 3 °C (surprenant, compte tenu de l'épaisseur et du caractère coriace de la peau...).

En ce qui concerne les éventuels cultivars de Feijoa rustiques, j'ai pu trouver très peu d'informations. J'ai simplement noté la mention "résistant au gel" pour les cultivars 'Marion' et 'Wiki Tu', dans les catalogues de certaines pépinières. Il n'y est pas fourni de précisions, et je n'ai pas trouvé ailleurs d'informations complémentaires. S'agissant de la résistance au froid, il faut distinguer les fruits et l'arbre.

Pour les fruits, il vaut mieux planter des cultivars de Feijoa dont la fructification évite le gel. En ce sens, les cultivars 'Marion' et 'Wiki Tu', qui sont de mi-saison pour le premier et presque tardif pour le second, ne seraient pas le meilleur choix. Il vaut mieux planter le cultivar extrêmement précoce 'Kakariki', dont les premiers fruits devraient arriver à maturité en France au tout début septembre, voire fin août. Mais, pour l'arbre, la résistance au froid est bien entendu un critère de grand intérêt pour certaines régions. Il conviendrait donc de s'enquérir plus précisément auprès des pépinières néo-zélandaises de l'exacte signification de la mention "résistant au gel" figurant dans les catalogues pour les cultivars 'Marion' et 'Wiki Tu'.

Il serait également intéressant de disposer de données précises concernant l'intensité du goût, la teneur en sucre (°Brix) et l'onctuosité de la chair des fruits des nouveaux cultivars néo-zélandais, pour déterminer si certains d'entre eux, qui n'apportent rien du point de vue époque de récolte ou grosseur des fruits, pourraient enrichir l'offre des pépiniéristes français par la texture et les qualités organoleptiques de leurs fruits. Sous réserve, bien entendu, que les qualités observées pour les fruits en Nouvelle-Zélande soient conservées dans les conditions françaises de sol et de climat (au moins pour certaines régions).

 

LES SUJETS ISSUS DE SEMIS

 

J'ai goûté les fruits de beaucoup de feijoas issus de semis dans les parcs, les pépinières, et les jardins d'amateurs. J'ai observé que les individus de Feijoa issus de semis produisent des fruits de petite taille, et plus ou moins acides. Ces petits fruits ne sont généralement pas désagréables à consommer, même si je trouve pénible de devoir les ouvrir et extirper leur faible quantité de pulpe de façon répétitive. Mais ils ne procurent pas le plaisir engendré par la dégustation des gros fruits doux, à large pulpe, produits par les cultivars fruitiers tels ceux que j'ai plantés. Certains auteurs ont remarqué que les feijoas issus de semis contiennent beaucoup plus de graines que ceux des variétés sélectionnées pour leur qualité fruitière. Je ne l'ai pas constaté pour ma part, ou, si tel était le cas, je n'ai pas ressenti de gêne particulière lors de la consommation.

Je fournis les indications ci-dessus pour les personnes qui voudraient planter un sujet à vocation ornementale et qui s'interrogeraient sur sa fructification, mais, en tout état de cause, par expérience, je déconseille les sujets de Feijoa issus de semis pour la production de fruits. Même si le hasard du semis peut conduire à la production de fruits de grande taille et excellents (je n'ai jamais rencontré ce cas avec les feijoas de semis dont j'ai pu tester la fructification, mais c'est par sélection des meilleurs individus de semis que l'on crée une grande partie des cultivars, les autres étant obtenus par mutation). Il faut garder présent à l'esprit qu'un sujet de Feijoa issu de semis peut polliniser un cultivar fruitier (autostérile ou autofertile).

 

 

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