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Article publié en 2014, enrichi en 2015.
Auteur : François DROUET.
Tous droits réservés.

 

 

La cerise Belle Agathe dans les ouvrages de pomologie

 

(seconde moitié du XIXe siècle)

 

 

 

Selon le sommaire suivant : pourquoi une revue pomologique ? La cerise Belle Agathe dans les ouvrages de pomologie (seconde moitié du XIXe siècle), autres sources documentaires de la même époque, principales observations relevées au sujet de  la cerise Belle Agathe, conclusion.

 

POURQUOI UNE REVUE POMOLOGIQUE ?

 

Dans un article précédemment publié, Robert Pélissier et moi avons rendu compte de notre longue investigation pour retrouver et identifier la cerise Belle Agathe de Novembre. Nous avions connaissance de cette variété grâce à la description qui en est faite dans le tome troisième de l'ouvrage Annales de Pomologie Belge et Etrangère (1855) par Alexandre Bivort. Au cours des différentes étapes de notre investigation, nous avons consulté des ouvrages de pomologie français et étrangers de la seconde moitié du 19e siècle, ainsi que des revues horticoles et des catalogues de pépiniéristes de la même époque.

Tout d'abord, lors de la documentation préalable à l'introduction en France. Au début des années 2000, nous avons localisé au conservatoire de Brogdale (Royaume-Uni), une variété appelée Belle Agathe (sans le "de Novembre"). Avant de décider de son introduction en France pour observation, nous avons dû nous documenter sur cette variété pour savoir s'il s'agissait de la variété Belle Agathe de Novembre obtenue par François Thiéry à Haelen (Limbourg belge), et décrite par Alexandre Bivort.

Puis, lors de l'identification de la variété. En 2006, nous avons introduit en France deux plants de la variété Belle Agathe à partir de Brogdale. Pendant quelques années, nous avons comparé avec la description d'Alexandre Bivort les observations réalisées sur un de ces spécimens, planté à Aubagne (près de Marseille). Et nous avons établi que la variété Belle Agathe introduite de Brogdale est globalement conforme à la description de la variété Belle Agathe de Novembre fournie par Alexandre Bivort. Mais nous avons relevé une différence : pour une grande partie des fruits, il existe un sillon partiel assez profond le long de la ligne de suture sur l'un ou les deux côtés, évoluant en dépression douce lors de l'avancée en maturité. Alexandre Bivort ne relève pas cette caractéristique, qui traduit selon nous un désordre physiologique inhérent aux conditions de culture. Il nous a paru intéressant de confronter nos observations et celles d'Alexandre Bivort avec les descriptions de Belle Agathe dans les autres ouvrages de pomologie, en particulier pour la différence précitée.

Enfin, nous nous sommes attachés à essayer de résoudre la problématique de l'époque de maturité. En effet, la conservatrice des collections de Brogdale, Madame Mary Pennell, avait précisé que la récolte sur place s'effectue fin juillet / début août. Selon nous, il ne pouvait exister un décalage de saison de récolte de trois mois entre le Limbourg belge et le sud-est de l'Angleterre, où se trouve Brogdale (de latitude proche mais plus haute, même si le Limbourg belge se situe plus loin de la mer). Il nous paraissait impossible de résoudre la problématique de l'époque de maturité sans des informations plus précises, à rechercher dans les ouvrages de pomologie. En fait, nous nous sommes aidés de ces ouvrages, mais il a fallu utiiser d'autres méthodes, exposées dans l'article précité, pour déterminer l'époque de maturité des premiers fruits de Belle Agathe à Haelen. Celle-ci était en réalité la mi-septembre, avec une faculté de la variété à conserver sur l'arbre les derniers fruits mûrs jusqu'à la fin octobre (en l'absence d'attaques d'oiseaux). A cet égard, l'appellation Belle Agathe (sans le "de Novembre"), retenue par la totalité des auteurs autres qu' Alexandre Bivort, est préférable pour cette variété.

 

LA  CERISE BELLE AGATHE DANS LES OUVRAGES DE POMOLOGIE (SECONDE MOITIÉ DU XIXe SIECLE)

 

Album de pomologie, 1851, tome quatrième, page 133 et planche. Cet album a été publié sur abonnement en livrets mensuels de 1847 à 1851. Il est constitué de 4 volumes (1847, 1849, 1850 et 1851). C'est Alexandre Bivort, pomologue belge (1809 - 1872), qui a décrit pour la première fois la cerise Belle Agathe de Novembre dans Album de pomologie en 1851. Il a repris sa description dans Annales de Pomologie Belge et Etrangère en 1855.

Annales de Pomologie Belge et Etrangère, 1855, volume troisième, page 9 et planche. Les Annales de Pomologie Belge et Etrangère ont été publiées entre 1853 et 1860, à raison d'un volume par an, sous l'égide de la Commission royale de Pomologie (F. Parent, imprimeur-éditeur à Bruxelles). Alexandre Bivort en a dirigé la publication. Il s'agit d'un ensemble de notices descriptives de fruitiers, élaborées par des pomologues belges et français. Elles sont précédées par un chapitre de considérations générales écrit par Alexandre Bivort et par une nomenclature pomologique et botanique rédigée par Charles Auguste Hennau, professeur à l'université de Liège. Il faut souligner que la description de Belle Agathe de Novembre est identique dans les deux ouvrages mais que les planches illustratives sont différentes. Au-delà des descriptions d'Alexandre Bivort, on trouve une variété de cerise nommée Belle Agathe (sans le "de Novembre") dans les principaux ouvrages de pomologie de la seconde moitié du 19e siècle.

The Western Fruit Book or American Fruit-Grower's Guide, F.R. Elliott ; 1859, page 219, pas de dessin. La première édition (1854) ne fait pas référence à la variété Belle Agathe, mais on trouve cette variété dans les éditions de 1859 et suivantes. Dans ces éditions, la description de la variété Belle Agathe est identique. Il s'agit d'un texte bref qui n'émane pas, d'évidence, d'un pratiquant de cette variété. Ceci bien que F. R. Elliott ait été un pépiniériste et un pomologue américain réputé à son époque, exerçant ses activités à Cleveland, Ohio.

The Fruits and Fruit Trees of America, deuxième révision, Charles Downing, 1869, page 452, pas de dessin (les dessins sur la page 452 concernent d'autres variétés). Charles Downing était un horticulteur, pépiniériste et pomologue américain résidant à Newburgh, dans l'état de New York. Il avait établi un verger expérimental comptant des milliers de variétés fruitières. Supervisant tout d'abord les premières éditions de l'ouvrage rédigées par son frère Andrew Jackson Downing, il prit à la mort de ce dernier la responsabilité de la révision et de l'enrichissement de nombreuses versions ultérieures.

Illustriertes Handbuch der Obstkunde, Ed. Lucas et J.G.C. Oberdieck, 1875, tome VI, pages 63-64, avec dessin au trait en début de page 63. Préférer l'accès direct vers la page de couverture de l'ouvrage et les deux pages descriptives de Schöne Agathe (Belle Agathe...) sur la base de données BUND-Lemgo. La notice descriptive est signée de J.G.C. Oberdieck, qui a pratiqué personnellement la variété, et qui confronte ses propres observations avec la description d'Alexandre Bivort, tout en rappelant d'autres références bibliographiques. Contrairement aux auteurs précités de langue anglaise, qui ont conservé le nom français de la variété, J.G.C. Oberdieck utilise le nom traduit en allemand (Schöne Agathe).

Dictionnaire de pomologie, André Leroy, 1877, tome V, pages 199-200, avec dessin au trait au début de la page 200. Dans cet ouvrage, la variété Belle Agathe est présentée comme un synonyme de Bigarreau de Fer, auquel renvoie l'auteur pour la description de Belle Agathe. Dans les pages consacrées à Bigarreau de Fer, André Leroy indique avoir pratiqué la variété Belle Agathe, mais confirme que, selon lui, elle est identique à Bigarreau de Fer. Il cite au total  23 synonymes pour Bigarreau de Fer, donc pour Belle Agathe. Pour nous, ces synonymies sont contestables, ce que nous développerons dans un article spécifique à venir. En particulier, nous jugeons que le terme "synonymes" est employé indûment pour Belle Agathe et Bigarreau de Fer, et, qu'en fait, il s'agit de deux variétés proches par certains aspects mais différentes. Toutefois, la proximité des deux variétés sur certains aspects présente un intérêt. Nous conservons donc dans la présente revue pomologique la description de Bigarreau de Fer pour faire référence à Belle Agathe, lorsque nous citons André Leroy.

Pomologie générale, Alphonse Mas, 1882, onzième volume, pages 99-100 et dessin au trait n° 50.  Le caractère extrêmement détaillé de la description (plus développée que celle d'Alexandre Bivort) montre bien qu' Alphonse Mas a pratiqué personnellement la variété dans son célèbre "jardin d'expériences" de Bourg-en-Bresse, dans l'Ain, où plusieurs milliers de sujets ont été expérimentés. Les dessins au trait sont d'ailleurs de Bernard Peingeon, peintre et professeur de dessin à Bourg dont il fut conservateur du musée. On peut regretter que le dessin ne représente pas la forme typique de la variété. Mais il est conforme à la description donnée en page 99. La forme du fruit dans cet ouvrage pose donc question...

The Fruit Manual, Robert Hogg, 1884, cinquième édition, page 280, pas de dessin. Robert Hogg, pomologue anglais de renom (Londres), fut pépiniériste puis propriétaire et rédacteur en chef du Journal of Horticulture, vice-président de la Royal Horticultural Society. L'ouvrage a pour nom développé The Fruit Manual, A Guide to the Fruits and Fruit Trees of Great Britain. On ne peut assurer que Robert Hogg ait pratiqué personnellement la variété, mais il a collaboré une quarantaine d'années avec Thomas Rivers, pépiniériste, horticulteur et pomologue anglais, très célèbre à son époque. Ce sont les pieds-mères de la collection de Thomas Rivers qui ont servi de spécimens pour la description de la variété Belle Agathe par Robert Hogg.

 

AUTRES SOURCES DOCUMENTAIRES (MÊME ÉPOQUE)

 

La Belgique horticole, Charles et Edouard Morren, tome VII, 1857, page 306 et planche. La Belgique horticole a été publiée de 1851 à 1883 sous l'égide de la Société d'horticulture de Liège, devenue en 1860 la Société royale d'horticulture de Liège. Cette revue annuelle rassemblait des articles émanant de particuliers (dont des grands noms de la botanique de l'époque) ainsi que de diverses sociétés savantes. Le tome VII que nous avons consulté présente quelques notes et une planche illustrative relatives à la cerise Belle Agathe de Novembre (en fournissant son nom complet), cinq ans après le début de sa commercialisation.

Catalogue of Fruits, Sawbridgeworth Nurseries, 1860, page 16, pas de dessin. Thomas Rivers, horticulteur, pépiniériste et pomologue de renommée internationale à son époque, exerçait ses activités à Sawbridgeworth, à environ cinquante kilomètres au nord-est de Londres. Il aurait été l'introducteur de la variété Belle Agathe en Angleterre depuis la Belgique en 1853 et il proposait cette variété à la vente. La pépinière a toujours appartenuà la famille Rivers et est restée en activité jusqu'en 1985.

The Florist and Pomologist, Robert Hogg, compilation de 1863 (publiée en 1864), page 32,  avec une illustration. Il s'agit d'une revue anglaise mensuelle illustrée, publiée à Londres, dont le rédacteur en chef était Robert Hogg. L'article concerne la variété Belle Agathe, Belle Agathe de Novembre étant citée comme synonyme. C'est dans cet article que l'introduction de Belle Agathe en Angleterre depuis la Belgique est attribuée à Thomas Rivers vers 1853. L'illustration est absente de la version numérisée par Google, mais nous l'avons retrouvée ailleurs et la présentons ci-dessous.
 

Cerise Belle Agathe (The Florist and Pomologist - Robert Hogg - 1863)

Cerise Belle Agathe (The Florist and Pomologist - Robert Hogg - 1863).
 

Catalogue of fruit trees, Royal Nurseries, 1898-99, page 20. Il s'agit de la pépinière de la famille Bunyard, située à Maidstone, dans le Kent, et créée en 1797. C'était à l'époque une des plus importantes pépinières d'Angleterre, et elle est restée en activité jusqu'en 1960. La variété Belle Agathe a été introduite en 1922 dans les collections de Brogdale à partir de cette pépinière. C'est la seule édition du catalogue que nous ayons pu consulter sur Internet à la date de rédaction du présent article. Belle Agathe était proposée à la vente, mais sans descriptif (seulement un commentaire concernant sa tardiveté, et soulignant qu'il s'agit d'une variété intéressante). En 1898, date de parution du catalogue, la pépinière Bunyard était gérée par George Bunyard, qui jouissait d'une grande notoriété en qualité de pépiniériste et qui exerçait aussi des activités de pomologue. George Bunyard a publié une demi-douzaine d'ouvrages sur les fruits et l'arboriculture fruitière. Nous avons pu vérifier sur Internet, soit par la lecture de versions numérisées libres d'accès, soit par la recherche sur mot-clefs sur des versions en accès restreint, la présence de Belle Agathe dans ces ouvrages. Aucun d'entre eux ne traite de cette variété.

Nous nous sommes ensuite intéressés au fils de George Bunyard, Edward Ashdown Bunyard, qui a repris la pépinière en 1919 et a été un pomologue de grande renommée à son époque. Parmi les ouvrages qu'il a publiés, celui qui nous concerne est A handbook of hardy fruits more commonly grown in Great Britain. Le volume 1 consacré aux pommes et aux poires a été publié en 1920 et le volume 2 traitant des autres fruits, dont les cerises (Stone and bush fruits, nuts, etc.) est paru en 1925. A la date de rédaction du présent article, le volume 2 n'est proposé qu'en accès restreintsur Internet, contrairement au volume 1, librement accessible dans sa totalité. Avec l'accès restreint, nous avons pu déterminer seulement que le terme "Belle Agathe" se retrouve dans six pages de l'ouvrage, en plusieurs occurrences pour chaque page. Les rares et maigres extraits fournis en réponse à l'interrogation par mots-clés en accès restreint nous ont permis d'établir que la référence bibliographique figurant en tête de la description de Belle Agathe est : Annales de Pomologie Belge et Etrangère, 1855, page 9.

 

PRINCIPALES OBSERVATIONS RELEVÉES AU SUJET DE LA CERISE BELLE AGATHE

 

L'analyse des textes, dessins et planches relatifs à la Cerise Belle Agathe dans les sources précitées montre des éléments très largement convergents et, comme d'habitude en pomologie, quelques éléments contradictoires. Comparons ce qui est écrit par les différents auteurs sur le fruit : forme, longueur du pédoncule, taille, couleur, chair et peau, goût, époque de maturité.

 

FORME

En ce qui concerne la forme du fruit, trois observations confirment la particularité que nous avons observée sur le spécimen importé de Brogdale et qui n'a pas été relevée par Alexandre Bivort. Alphonse Mas précise que le fruit est "quelquefois un peu comprimé sur une de ses faces traversée par la ligne de suture, mais le plus souvent presque également convexe par l'une et par l'autre".

Robert Hogg, dans The Fruit Manual, note que le fruit présente "sur un de ses côtés une suture peu profonde mais bien définie". Il faut souligner que cette caractéristique se retrouve chez le Bigarreau de Hildesheim, proche de la variété Belle Agathe. Dans le même ouvrage, en page 282, Robert Hogg précise que le fruit de celui-ci est "aplati sur un côté, qui est marqué d'une suture peu profonde, mais convexe sur l'autre".

J.G.C. Oberdieck indique pour les fruits : "Dos et ventre moins gros que larges. Sur le ventre, une incision à peine visible, presque une ligne".

Au delà de ces observations, toutes les descriptions fournies pour la forme du fruit, ainsi que les dessins ou planches, sont conformes à la description d'Alexandre Bivort, et à nos propres observations. Une exception notable toutefois : Alphonse Mas fournit un dessin au trait qui montre un fruit allongé, avec une pointe arrondie mais marquée (et un noyau assez allongé). Ce dessin ne correspond pas (pour la forme du fruit et celle du noyau) à la description d'Alexandre Bivort, ni à nos observations sur les quelques fruits du spécimen introduit de Brogdale. Dans le texte, Alphonse Mas confirme la différence constatée sur le dessin en indiquant que le fruit est : "peu largement tronqué du côté de la queue et se terminant du côté opposé en une pointe largement obtuse".

 

LONGUEUR DU PÉDONCULE

Outre la différence de forme relevée par Alphonse Mas, nous avons noté des différences de description concernant la longueur de la queue (pédoncule). Dans la description d'Alexandre Bivort cette longueur est d'environ 6 cm, et c'est ce que nous avons observé sur la récolte du spécimen introduit de Brogdale. 

Mais dans la description d'Alphonse Mas, on peut noter une différence : "queue de moyenne longueur ou un peu longue".

Cette différence est encore plus nette dans la description de Robert Hogg (The fruit Manual) : "queues longues de un pouce et demi et de un pouce trois-quarts" (soit 3,8 à 4,5 cm...). Dans The Florist and Pomologist, il qualifie simplement la queue de "longue et mince".

On peut noter qu'un seul autre auteur fournit une mesure de la queue. Il s'agit de J.G.C. Oberdieck, l'un des auteurs qui, selon nous, a pratiqué personnellement la variété, qui indique pour sa part "2 pouces de long, souvent plus longue". Sachant que 2 pouces équivalent à un peu plus de 5 cm.

 

TAILLE

En ce qui concerne la taille du fruit, tous les auteurs qualifient ce dernier de "moyen" ou "petit", rejoignant nos observations et la description d'Alexandre Bivort. Certains précisent que sa taille est identique à celle de la variété Kentish.

J.G.C. Oberdieck est le plus prolixe à ce sujet. Il relève que "les Annales publient une image de la cerise plus grande que la nôtre, 11 lignes de hauteur et de largeur", et émet un jugement négatif sur la taille : "les fruits restent, du moins dans mon type de sol, trop petits et ont peu de chair. Ainsi, je trouve la Merveille de septembre, tout comme Monsieur le jardinier Topf de Erfurt...de loin meilleure". Plus loin dans le texte : "Jhan, dans le rapport Meininger VII datant de 1860, la trouva aussi petite".

 

COULEUR

En ce qui concerne la couleur du fruit, F.R. Elliott est le plus lapidaire : "deux nuances de rouge".

J.G.C. Oberdieck indique : "rouge foncé à pleine maturité, avec des zones plus claires. On ne peut voir les stries que sous la loupe". Il précise : "Chez moi, la couleur est moins tachetée que le décrit Bivort", après avoir indiqué dans un paragraphe antérieur : "Les Annales publient une image de la cerise... jaune et tachetée de rouge, même à certains endroits rouge délavé".

Robert Hogg dans The Fruit Manual mentionne que la peau est "rouge cramoisi foncé, avec de minuscules marbrures jaunes". Dans The Florist and Pomologist, il indique : "le fruit est de type Bigarreau, mais sa peau comporte plus de rouge que celle d'un Bigarreau".

Charles Downing écrit que la peau est "jaune et recouverte en majeure partie de rouge".

André Leroy indique que la peau est "jaunâtre du côté de l'ombre, et, sur l'autre face, d'un rouge vif qui ne passe au rouge foncé qu'à la parfaite maturation". Il souligne que cette évolution vers le rouge foncé est peu connue; et que la raison en est que le fruit n'est jamais cueilli à parfaite maturité, du fait de son extrême tardiveté. Il faut noter que nous avons fait la même observation sur un fruit du spécimen introduit de Brogdale ramassé au sol.

Alphonse Mas semble avoir étudié la couleur de façon approfondie car il décrit la peau du fruit comme : "d'abord d'un blanc jaune, puis se couvrant à la maturité, août et septembre, d'un rouge d'acajou sur fond jaune qui se condense sur le côté exposé au soleil, tout en restant cependant finement rayé dejaune, mais d'une manière non apparente à distance".

La Belgique horticole indique que la peau est "marbrée et ponctuée de rouge foncé sur fond jaune ou rouge pâle". La planche illustrative fait bien ressortir la couleur jaune par endroits sur la peau marbrée de rouge. Il nous paraît important de souligner que cette planche illustrative est différente de celles figurant dans les deux ouvrages où Alexandre Bivort avait antérieurement décrit la variété.

Thomas Rivers souligne que "l'arbre, lorsque couvert de ses fruits rouge vif, est vraiment très ornemental".

Alexandre Bivort n'évoque pas la couleur jaune dans la description figurant dans Album de pomologie (1851), et reprise dans Annales de Pomologie Belge et Etrangère(1855). Toutefois, les planches illustratives (différentes) fournies dans ces deux ouvrages font apparaître nettement la couleur jaune par endroits, sous un rouge fade pour l'une, et sous un rouge nettement orangé pour l'autre. Voir planche 1 (Album) et planche 2 (Annales).

 

CHAIR ET PEAU

En ce qui concerne la texture de la chair, pour laquelle Alexandre Bivort n'a rien dit, tous les auteurs notent qu'elle est ferme (ou "demi-dure"), rejoignant nos propres observations sur le spécimen d'origine Brogdale. Dans The Florist and Pomologist, Robert Hogg juge que la chair est "dure et croquante comme celle d'un Bigarreau".

La couleur de la chair, lorsque mentionnée, est notée jaune, ce qui correspond à la description d'Alexandre Bivort et à nos propres observations. Même convergence pour l'épaisseur de la peau entre les observations d'Alexandre Bivort, les nôtres, et celles des autres auteurs. S'ils mentionnent cette caractéristique, ils qualifient la peau "d'épaisse" ou "plutôt épaisse".

Il faut souligner que plusieurs auteurs font la relation entre l'épaisseur de la peau, ou la fermeté de la chair, et le fait que les oiseaux n'attaquent pas, ou peu, les fruits. Mais J.G.C. Oberdieck conteste la résistance des fruits aux oiseaux. En ce qui nous concerne, nous avons noté pour le spécimen planté à Aubagne que la fermeté des fruits et l'épaisseur de leur peau ne mettent pas ceux-ci à l'abri des pies

 

GOÛT

En ce qui concerne le goût du fruit, F.R. Elliott qualifie simplement la chair de "douce".

Robert Hogg, dans The Fruit Manual mentionne que la chair est "douce, très agréablement parfumée". Dans The Florist and Pomologist, il livre une description laudative de Belle Agathe : "cerise de valeur", "variété remarquable", et juge la chair "lorsque mûre, d'une saveur particulièrement agréable, douce et sucrée". Dans un autre paragraphe du même ouvrage, il qualifie la chair de "ferme, juteuse, douce et, pour la saison, rafraîchissante et agréable".

Charles Downing écrit que la chair est "douce et modérément juteuse".

J.G.C. Oberdieck juge que "le goût est sucré et agréable", après avoir noté que "le jus est clair comme de l'eau". Toutefois il trouve le fruit "trop peu pourvu en chair".

Thomas Rivers fournit une opinion très positive : "C'est une variété remarquable, avec une chair douce et ferme, cependant juteuse et agréable".

Alphonse Mas trouve la chair (pulpe) "suffisante en jus incolore, bien sucrée, délicatement parfumée, constituant un fruit assez agréable pour son époque de maturité".

La Belgique horticole indique que fruit est "doux et de bonne qualité" et, dans un autre passage, que la saveur est "douce et sucrée".

André Leroy juge l'eau (le jus) "peu sucrée, acidulée, possédant généralement une certaine âcreté".  Il faut noter que seul André Leroy émet un jugement qui ne soit pas favorable. Rappelons qu'il parle du Bigarreau de Fer, dont Belle Agathe serait, d'après lui, un "synonyme" (expression indue selon nous...).

Pour notre part, en consommant les fruits du spécimen introduit de Brogdale, nous trouvons la pulpe douce, totalement dépourvue d'acidité. Lorsque les fruits sont à un stade de pré-maturité (ceux qui ne connaissent pas la variété pourraient croire qu'ils sont mûrs), le fruit n'est pas sucré et il est insipide, avec une amertume caractéristique des cerises non mûres. Mais si l'on attend que les fruits parviennent à complète maturité, la saveur est agréable, sur un léger fond d'amertume qui donne du caractère au fruit et l'on est surpris par le caractère très sucré du jus et de la pulpe.

 

ÉPOQUE DE MATURITÉ

En ce qui concerne l'époque de maturité des fruits, F.R. Elliott est peu précis : "très tardive, ce qui est la seule incitation à sa culture".

Charles Downing mentionne "tard en août". Dans certaines éditions de l'ouvrage, il est précisé que cette information a été fournie par M. Rivers. Il s'agit du pépiniériste Thomas Rivers, qui était correspondant des sociétés de pomologie américaines.

André Leroy indique "courant d'août, jusqu'à fin septembre, mais seulement quand l'arbre est planté au nord". André Leroy ayant pratiqué la variété Belle Agathe et le Bigarreau de Fer, dont Belle Agathe serait un synonyme selon lui, ces informations sont valables pour Angers, où était située son importante pépinière.

Alphonse Mas confirme en indiquant une maturité en août et septembre, avec une précision en tête de la description : "placé en espalier au nord, il conserve ses fruits jusqu'à la fin de septembre". Alphonse Mas ayant pratiqué la variété Belle Agathe, ces informations sont valables pour Bourg-en-Bresse. Alphonse Mas précise par ailleurs que "la fermeté de la peau empêche les oiseaux de lui porter atteinte". Il s'agit d'un facteur favorable à une plus longue tenue des fruits sur l'arbre, donc à l'extrême tardiveté de la récolte des derniers fruits.

Robert Hogg, dans The Fruit Manual, écrit : "C'est un petit bigarreau qui pend sur l'arbre jusqu'à la première semaine d'octobre, ni les oiseaux ni les guêpes ne le touchent". Il est troublant de relever, en page 282 du même ouvrage, que le Bigarreau de Hildesheim, variété proche de Belle Agathe, a pour maturité fin août début septembre, mais que "si cultivé à l'ombre, il n'est pas mûr avant octobre et pend sur l'arbre jusqu'à novembre".

Dans The Florist and Pomologist, Robert Hogg est plus précis sur l'époque de maturité que dans The Fruit Manual : "Aux environs de la mi-septembre, alors que les cerises ont disparu et ont été oubliées, cette variété commence à mûrir et, comme elle est vraiment très prolifique, les arbres lorsqu'ils sont recouverts de leurs fruits rouge vif ont un aspect tout à fait estival, rappelant celui des cerisiers de juin...". Et il donne une précieuse indication expliquant la possibilité de récolte très tardive : " A Sawbridgeworth, les oiseaux ne touchent pas le fruit de telle façon que pendant presque entièrement le mois d'octobre deux arbres de haute-tige qui s'y trouvent sont vraiment très ornementaux. Savoir si les oiseaux laissent les arbres indemnes parce qu'en octobre les cerises sont inconnues dans le monde ornithologique reste une question à trancher. En tout état de cause, cette variété mérite vraiment d'être cultivée".

J.G.C. Oberdieck précise "septembre" dans l'en-tête de la notice descriptive, à côté du nom de la variété (Shöne Agathe). Il s'agit d'une époque de maturité pour le nord de l'Allemagne, l'auteur résidant depuis 1853 à Jeinsen (située à une vingtaine de kilomètres au sud de Hanovre). Il donne des précisions dans le texte : "chez moi, les premiers fruits s'étaient déjà colorés en août. Ils ne sont pas restés plus tard que septembre sur l'arbre. On constatait que la queue séchait, signe que le fruit était trop mûr. La maturité tardive décrite par Thiéry a probablement été constatée dans un endroit situé à l'ombre". Il confirme la bonne tenue des fruits sur l'arbre : "il (l'arbre) met beaucoup de fruits qui restent tous sur l'arbre et mûrissent sans tomber". Mais il conteste les écrits de Robert Hogg concernant la résistance des fruits aux oiseaux : "Je ne peux pas soutenir cette dernière affirmation, car elles devaient (les cerises) être sûrement protégées des moineaux par un voile". Il conteste aussi la tardiveté indiquée par Robert Hogg : "ni je ne peux croire qu'elles tiennent (les cerises) après septembre à l'arbre car elles mûrissent bien plus tôt".

Thomas Rivers indique : "Elle ne mûrit pas avant la mi-septembre et pend avec une bonne tenue sur haute-tige de verger jusqu'à la mi-octobre". Il rejoint en cela les observations de Robert Hogg, avec lequel il a collaboré une quarantaine d'années, réalisées dans sa pépinière de Sawbridgeworth, à 50 kilomètres au nord-est de Londres. Il mentionne toutefois une tenue sur l'arbre un peu plus courte que celle fournie par Robert Hogg (mi-octobre, alors que Robert Hogg précise "presque entièrement le mois d'octobre").

George Bunyard nous indique pour la variété Belle Agathe (synonyme Autumn Bigarreau) : "pendant sur les arbres jusqu'à novembre ; une variété intéressante".

La Belgique horticole ne précise pas de date de maturité dans le texte, mais elle nomme la variété de son nom complet (Belle Agathe de Novembre), aussi bien dans les notes que sur la planche illustrative. Il faut souligner qu'il s'agit d'une publication du pays d'obtention de Belle Agathe de Novembre, et postérieure de cinq ans seulement (1857) à la commercialisation de celle-ci. Il est d'ailleurs mentionné dans le texte : "cette cerise est connue depuis 1852 seulement", "elle s'est très rapidement répandue chez les amateurs", "on le trouve (l'arbre) dans la plupart des pépinières". Ces notes ne sont pas la copie de la description d'Alexandre Bivort, par ailleurs identique dans les deux ouvrages où il présente Belle Agathe de Novembre, mais elles ne mentionnent rien de contradictoire avec ce qu'à écrit Alexandre Bivort. 

Reprenons les dates de maturité mentionnées par les quatre auteurs dont nous sommes sûrs qu'ils ont pratiqué la variété, et confrontons les avec l'époque de maturité que nous avons déterminée pour Haelen avec différentes méthodes exposées dans l'article déjà cité : mi-septembre, et tenue des derniers fruits sur l'arbre jusqu'à fin octobre.

Pour Alphonse Mas (Bourg-en-Bresse), et André Leroy (Angers) : maturité courant août et septembre ; tenue sur l'arbre jusqu'à fin septembre si plantation au nord. Cohérence avec les dates déterminées pour Haelen, si l'on tient compte des différences de latitude.

Pour Thomas Rivers (Sawbridgeworth, à environ 50 kilomètres au nord-est de Londres) : maturité mi-septembre et tenue sur l'arbre jusqu'à la mi-octobre. Cohérence avec les dates déterminées pour Haelen, la tenue sur l'arbre pouvant être différente d'une région à l'autre. Dans The Florist and Pomologist, Robert Hogg, qui a observé les arbres de Thomas Rivers à Sawbridworth confirme la même date de maturité, et indique une tenue sur l'arbre un peu plus longue "presque entièrement le mois d'octobre", ce qui conforte nos conclusions pour Haelen.

Pour J.G.C. Oberdieck (Jeinsen, à environ 20 kilomètres au sud de Hanovre) : maturité courant août et septembre ; tenue sur l'arbre jusqu'à fin septembre au plus tard. Ces dates, indiquées pour le nord de l'Allemagne, ne paraissent pas cohérentes avec les dates déterminées pour Haelen. J.G.C. Oberdieck fournit lui-même une explication, en précisant : "La maturité tardive décrite par Thiéry a probablement été constatée dans un endroit situé à l'ombre". Cela paraît possible. De plus, la durée de maintien des fruits sur l'arbre semble significativement plus élevée à Haelen en raison du (surprenant) désintérêt des oiseaux pour les fruits en cette région, comme c'était le cas à Sawbridgeworth, mais ne l'était pas à Jeinsen selon les indications de J.G.C. Oberdieck.

 

CONCLUSION

 

La variété Belle Agathe introduite de Brogdale, globalement conforme à la description d'Alexandre Bivort, correspond aussi aux descriptions contenues dans les principaux ouvrages de pomologie de la seconde moitié du 19e siècle, à quelques détails près pour certains d'entre eux. On retrouve dans quelques uns de ces ouvrages la mention d'un sillon le long de la ligne de suture du fruit sur l'un ou les deux côtés, tel que nous l'avons observé sur le spécimen d'Aubagne mais dont Alexandre Bivort ne parle pas. Dans les ouvrages de pomologie, l'appréciation du goût de la cerise Belle Agathe est, sauf exception, très favorable, ce qui confirme le jugement d'Alexandre Bivort et le nôtre.

Les ouvrages de pomologie ne fournissent pas d'éléments qui nous auraient permis de résoudre directement la problématique de l'époque de maturité. Mais, celle-ci l'ayant été par d'autres moyens, ils confortent l'époque de maturité que nous avons déterminée pour Haelen (mi-septembre, et tenue des derniers fruits sur l'arbre jusqu'à la fin octobre). A cet égard, l'appellation Belle Agathe (sans le "de Novembre"), retenue par la totalité des auteurs autres qu'Alexandre Bivort, est justifiée et doit être préférée pour cette variété.

 

 

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